• Episode 11 : Quand la fin ne ressemble en rien au début

     

    Je rentre chez moi dans un état second. Trop d’émotions.

    Marco m’attend, Simone lui a filé les clefs de mon appart. Je lui raconte mes décisions ainsi que la discussion avec Renzo.

     

    -Désolé de ne pas être resté hier. Je…

    -Non, c’est mieux ainsi. Je me prends en main seule, comme une grande fifille…

    -En fait…Tu ne penses plus à Antoine avec tout cela.

    J’éclate de rire. Il a raison. Il est totalement sorti de mon esprit, depuis mon arrivée à Prague.

     

    Le téléphone sonne. C’est Renzo. Je suis surprise.

    -Je suis en bas de chez toi, je peux monter ?

    -Oui…

    Marco se sauve avec des clins d’œil dignes d’un parfait demeuré. Ils se croisent sur le seuil. J’emmène Renzo s’asseoir.

    -Un café ?

    -Oui merci, je veux bien.

    Renzo s’assied sur le canapé, je pars à la cuisine.

    -Tu avais un truc à me dire ? en lui donnant une tasse.

    -Je me sens mal depuis ce matin… Hannah, sans être indiscret, as-tu déjà un autre boulot ?

    Je souris.

    -Non.

    Il reste silencieux, se grattant le front. C’est étrange de le voir assis avec son beau visage et son grand corps longiligne, ici, chez moi.

    -Bon. Ecoute, voilà, j’ai compris que tu ne reviendrais pas sur ta décision de démissionner. Mais laisse-moi au moins te proposer un truc…

    Je fais une moue. Il reprend.

    -Laisse-moi te licencier, pour que tu puisses bénéficier du chômage. Le temps de te retourner. Ta lettre de démission, la voici, je te la redonne.

    Je prends la lettre et lui ressers un café en silence. Je n’y avais pas même pensé. J’ai bien envie de lui sauter au coup…

    -J’accepte, merci, c’est extrêmement gentil de ta part… Tu vas me licencier sur quel motif ?

    -Incompatibilité, ma chère Hannah.

    Il dit cela très sérieusement, sans me regarder. J’éclate de rire, lui aussi.

    -Merci Renzo. Je suis désolée pour la scène de ce matin, devant ce con de Jean en plus…

    -Ne t’en fais pas. Je savais que tu me plaisais avant cela, mais pas à ce point-là.  Et tu pars…

    -Une collaboratrice en or…

    -Non, très chère, une perle de collaboratrice.

    Je souris.

     

    -Mais… Quand je disais que tu me plaisais… Je pensais à autre chose.

    -Ah quoi, Renzo ?

    -Tu le fais exprès ?… Non… Eh bien, que tu me plais… comme femme…

    -Ah tu veux dire que …  Ah oui, excuse-moi, je ne me doutais pas du tout…

    Comment se prendre les pieds dans ses propres mots !

    -Je pense à toi tout le temps. Et ce matin, que tu me traites de collabo, ça m’était insupportable et en même temps, je comprends ton indignation.

    -Pff, j’aimerais parfois être plus simple dans ma tête, tu sais… Etre comme mes parents, tiens… Ils ne se posaient pas dix mille questions. Ils taffaient, voilà. Fallait ramener un salaire pour nous, nos études, vivre décemment. Tu te comportes en parfaite petite bourgeoise, dirait ma mère

    -C’est vrai, tu n’es pas simple, mais tu es saine, humaine, vivante. Je n’ai jamais rencontré une Hannah dans ma vie. Depuis que tu es là, je me sens différent, meilleur. Je voulais que tu m’apprécies. Je n’ai pas su tout de suite que j’étais tombé amoureux de toi. C’est venu petit à petit. A chaque fois que j’avais une femme qui entrait dans ma vie, je la comparais à toi, je te fantasmais totalement. Je les ai quittées les unes après les autres, comme un parfait salaud. Et depuis ce matin, j’ai l’impression de manquer d’air.

    Je regarde mes mains, elles tremblent. Je suis totalement émue par ses mots, par cet homme que je trouvais absolument charmant et intelligent mais que je mettais à distance depuis toujours, émasculé d’office par le monde du travail. Je ne sais pas quoi lui dire.

    -Quand tu es partie faire le café, j’ai regardé ton appart, j’ai même jeté un œil rapide dans ta chambre… Désolé. Je n’ai pas pu m’en empêcher. J’aime encore plus la femme que tu es. J’aime ton univers, les livres, les tissus, les plantes, le désordre charmant. C’est ainsi que je l’imaginais… Hannah.

     

    Là, je sens bien qu’il faut que je fasse ou dise quelque chose. Je le regarde. Je me mords les lèvres, la gorge sèche. Je m’agenouille à côté du canapé, mes jambes ne me portent plus. Renzo touche ma joue de son index, puis la caresse de la paume de sa main. Je le laisse faire, les yeux fermés, le souffle court. Il se penche vers moi, nos lèvres s’effleurent, sans s’embrasser. C’est doux, délicieux. Elles s’effleurent et s’effleurent encore et encore pour finir par se coller. Mes bras enlacent son cou, mes doigts caressent ses cheveux courts. Ses mains me soulèvent pour me ramener vers lui. Il m’écarte doucement de lui pour me regarder. Nos yeux se sourient, soulagés. Nous reprenons nos caresses, moins angoissés. Les baisers se font plus sensuels, nos mains et nos regards plus audacieux. Je sens monter pour lui un désir insoupçonnable. Je m’abandonne. Nos corps s’accrochent, glissent sur le tapis, se dénudent, maladroits. Nos mains explorent le corps de l’autre, nos lèvres aussi. J’aime son odeur, la douceur et la chaleur de sa peau. J’en ai la chair de poule. Il me pénètre, mon pouls s’accélère, mon corps est comme en apesanteur. Le temps s’arrête. Il peut s’être passé quelques minutes ou plusieurs heures. Je ne sais plus. Nos corps moites s’unissent, se séparent. Le désir est toujours là, quelque part, au détour d’une caresse. Puis la fatigue nous submerge d’un seul coup.

    La nuit est là depuis longtemps. Une nuit urbaine, avec ses lumières douces, comme des ombres qui passent et ses bruits assourdis. Assise en tailleur, je regarde Renzo endormi dans mon lit. Quelle étrange journée… Il passe son bras autour de ma taille, m’attire à lui pour embrasser mon ventre, mon sexe et remonter jusqu’à mon visage en m’allongeant sur le lit. Puis, il pose ses lèvres sur mes paupières.
    -Dors Hannah, mon ange. Et Dieu, fasse que ce bonheur ne s’arrête jamais.

    Il cache sa tête dans mon cou, je l’entends chuchoter à mon oreille des « je t’aime » qui me font cueillir des poussières d’étoiles.

    -Hannah, depuis cette nuit, j’aime aussi ton corps, j’aime ton odeur, j’aime tes seins, j’aime ton sexe, j’aime tes hanches, tes mains, ta bouche. J’aime la manière dont tu m’as aimé. Je ne le savais pas avant, même si j’avais pas mal fantasmé sur toi… Oui, je l’avoue… Tu es un cadeau des dieux.

    -C’est gentil mais t’exagères pas un p’tit chouïa… ?

    Ce don que j’ai de tout réduire par gène, par peur du bonheur.

    -Non, je n’ai dit cela à aucune autre femme et je n’ai jamais éprouvé le dixième de ce que j’éprouve ce soir. Je ne suis pas trop capable de réfléchir mais je suis totalement heureux et en même temps absolument terrorisé que tout cela finisse. Je ne te demande pas d’être aussi amoureuse que je le suis, je peux t’attendre

    -Renzo, je ne suis pas loin… Je crois.

     Je m’endors, au creux de son corps nu.

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