• Episode 1 : Un hiver expirant...

    Episode 1

    Episode 1

    On est le 17 avril. Dehors il fait encore froid, ce genre d’hiver dont on ne se défait pas, qui s’accroche à vous, comme une mauvaise bête.

     Un hiver expirant : humide et gris. Je regarde dehors, un frisson me parcourt par anticipation. Il faut que je sorte d’ici. Trois jours qu’il est parti. Parti pour une autre. Trois jours que je reste là, prostrée. Il est dans l’odeur d’une autre, moi, je sens le renfermé.

     

    En descendant l’escalier, je rencontre Simone, la voisine du premier. « Oh, Hannah, t’en fais une tête… Sors donc, tu vas prendre du rose aux joues avec le froid qu’il fait ! D’ailleurs, fait trop froid pour… » Je n’écoute pas. Envie de lui dire d’aller se faire foutre, mais je n’en fais rien. Une vieille fille, brusque mais profondément gentille, la Simone.  Je souris en faisant une sorte de moue qui ne veut rien dire. Parfois il y a des gens qui sont toxiques lorsque vous n’allez pas bien. Pour moi, là tout de suite, c’est Simone et sa bouille à la mamie Nova.

     

    Dehors. J’expire. Un nuage chaud sort de ma bouche. Oui, un temps hivernase. Je cache mon nez dans mon écharpe. Je m’enfonce dans la ville, ses rues. Besoin de marcher, nulle part mais n’importe où, marcher. Le corps qui demande à vivre, à sortir de sa léthargie. Je marche, je marche, la ville défile sans s’imprimer. Je pense ou plutôt je ne pense plus, ma pensée s’est arrêtée sur la douleur.

    Il est parti. Pour une autre que je ne connais pas, une inconnue que je fantasme. Je les imagine s’enlaçant, mêlant leurs corps, leurs mains, leurs doigts. Elle doit avoir la peau plus sucrée. Ses cheveux s’emmêlent sûrement en boucles joyeuses. Pourquoi mon esprit va dans ces contrées douloureuses ? Faire ma martyr pour la gloriole ?

    Je cherche dans mon sac des clopes. Mon geste reste en suspens. J’ai arrêté de fumer il y a six mois, quand nous avions commencé à parler de faire un enfant. Les larmes. Envie d’être une toute petite fille sur les genoux de mon père, ses gros bras puissants autour de moi. Ils sont où les bras du pater ? Il est où ce père qui me protégeait tant ? Mort. Les larmes glissent, je sens leur goût salé sur mes lèvres.

     

    Un banc. Mon corps s’écroule. Je voudrais disparaître, ne plus avoir à vivre cette douleur. Je me sens perdue, la peur de perdre la raison, je m’écroule.

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